Le point sur les changements à la Loi sur les normes du travail (LNT) au Québec - Retail Council of Canada
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Le point sur les changements à la Loi sur les normes du travail (LNT) au Québec

Le projet de loi 176 (Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail) a finalement été adopté en commission parlementaire par l’Assemblée nationale en juin dernier.

Il est à noter que le projet de loi entrait en vigueur dès la date de sa sanction, le 12 juin 2018. Certaines dispositions ne prendront toutefois effet qu’au 1er janvier 2019. Voici un résumé des neuf points essentiels à retenir.

  1. Augmentation du nombre de jours de congés annuels payés
    Les salariés auront dorénavant droit à trois semaines de vacances rémunérées après trois années de service continu. Présentement, les salariés n’ont droit à cette troisième semaine de vacances rémunérées que lorsqu’ils cumulent cinq années de service continu.
  1. Reconnaissance du statut de proche aidant
    La loi telle qu’adoptée reconnaît maintenant le statut de proche aidant ; elle permet au salarié de s’en prévaloir s’il devient proche aidant auprès d’un membre de sa famille, mais également au bénéfice des personnes ayant agi à titre de famille d’accueil.Dans cet esprit, la loi a été modifiée pour permettre à un salarié de s’absenter pendant 16 à 36 semaines sur une période de 12 mois lorsqu’il agit comme proche aidant.
  1. Interdiction en matière de disparité de traitement : les clauses dites « orphelin »
    On appelle clause « orphelin » toute clause d’un contrat de travail qui accorde un traitement différent entre certains groupes de salariés, notamment en ce qui concerne les avantages sociaux et les régimes de retraite. Actuellement, ces clauses ne sont pas interdites, ce qui permet aux employeurs d’offrir des conditions différentes à leurs salariés en fonction de leur date d’embauche.Dorénavant, ces clauses « orphelin » seront interdites et un recours devant le Tribunal administratif du travail du Québec pourra être présenté par le salarié qui se croit victime d’une distinction fondée sur la date d’embauche relativement à des régimes de retraite ou à des avantages sociaux.Cette plainte devra être déposée dans l’année suivant le constat de la disparité de traitement. Cependant, la loi ne rétroagit pas et elle préserve les clauses contractuelles négociées et signées avant l’entrée en vigueur de la loi (12 juin 2018).
  1. Durée de la semaine de travail
    L’autorisation de la Commission ne sera plus nécessaire pour passer un accord concernant l’étalement des heures, à condition qu’il soit d’une durée maximale de six mois, qu’il soit consigné par écrit, que les heures soient étalées sur une période maximale de quatre semaines et qu’une semaine de travail n’excède pas de plus de dix heures la norme prévue dans la loi ou les règlements.De surcroit, le salarié ou l’employeur pourra résilier l’entente en donnant un préavis d’au moins deux semaines avant la fin prévue de l’étalement convenu. La règle à l’effet que la moyenne des heures travaillées sur cette période doit être équivalente à la norme prévue à la Loi ou aux règlements demeure en vigueur.
  1. Droit de refus de travailler
    Dorénavant, un salarié pourra refuser de travailler dans les deux situations suivantes :
  1. Si on lui demande de travailler plus de deux heures au-delà de ses heures habituelles quotidiennes
    de travail, plutôt que quatre, comme avant le 12 juin 2018.
  2. S’il n’a pas été informé au moins cinq jours à l’avance qu’il lui serait demandé de travailler des heures supplémentaires, sauf lorsque la nature de ses fonctions exige qu’il reste en disponibilité ou, dans le cas d’un travailleur agricole, lorsque ses services sont requis dans les limites fixées par la loi.

 

  1. Agences de placement temporaire
    Une nouvelle section a été ajoutée à la LNT visant spécifiquement les agences de placement temporaire. Celles-ci devront maintenant obtenir un permis avant d’offrir leurs services. Ce permis sera octroyé par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Ces dernières mesures s’inscrivent dans le courant des protestations visant à assurer une meilleure protection aux salariés visés — souvent des immigrants et des sans-papiers.Cette nouvelle section prévoit aussi que les agences ne pourront pas accorder un taux de salaire inférieur à celui des employés de l’entreprise. Les entreprises seront donc maintenant solidairement responsables avec les agences avec qui elles font affaire.Suivant le dépôt du projet de règlement (non encore déposées) concernant le permis obligatoire pour les agences de placement de personnel et de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, nous pouvons anticiper que :
  1. Deux catégories de permis seraient proposées : une pour les agences de placement de personnel et une pour les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires.
  2. Les permis seraient valides pour une durée de deux ans.
  3. Le gouvernement a l’intention de subordonner la délivrance, le renouvellement et le maintien du permis à certaines conditions, notamment le paiement des frais de permis et, pour les agences de placement de personnel, l’interdiction de demander des frais aux travailleurs d’agences et l’interdiction d’imposer des restrictions contractuelles ou des frais à un travailleur d’agence ou à une entreprise cliente dans le but de les empêcher d’établir une relation d’emploi.
  4. Pour les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires :
    1. L’interdiction d’exiger d’un travailleur étranger temporaire qu’il confie à l’agence la garde de documents personnels ou de biens lui appartenant et l’interdiction d’exiger que des frais liés au recrutement autres que ceux autorisés en application d’un programme gouvernemental canadien.
    2. Aucune obligation additionnelle pour les entreprises clientes des agences ne serait ajoutée dans le règlement.

Toute cette section n’entrera en vigueur qu’au moment où un règlement édictant les modalités inhérentes à l’émission du permis sera adopté. Nous attendons encore le projet de règlement et nous préparerons un mémoire pour souligner les contraintes que ces nouvelles obligations législatives et règlementaires feront peser sur nos membres.

  1. Reconnaissances de certaines situations pour fins de congéLa loi a été modifiée afin de mieux définir les absences, les congés maladie et les absences pour obligations familiales que la LNT permet maintenant aux salariés, dans certaines circonstances. La loi prévoit deux jours de congé rémunéré pour « obligations familiales ».Ainsi, le salarié qui justifie de trois mois de service continu aura droit au paiement de deux journées d’absence. Avant les modifications, la LNT prévoyait plutôt dix jours de congé sans solde pour « obligations familiales ». Toutefois, le projet de loi prévoit expressément le droit de l’employeur de demander au salarié de lui fournir un document attestant des motifs d’une telle absence.

    De plus, la loi prévoit la possibilité pour un salarié de se prévaloir d’une période de vingt-six semaines d’absence sans solde pour cause de maladie, de don d’organes ou d’accident. Dorénavant, ce congé sans solde sera accessible aux salariés victimes de violence conjugale.

    En cas de décès ou de funérailles de son conjoint, de son enfant, de l’enfant de son conjoint, de son père, de sa mère, d’un frère ou d’une sœur, le salarié bénéficiera de deux journées payées plutôt qu’une seule ainsi que de trois journées sans solde plutôt que de quatre.

    En cas du décès ou de la disparition d’un enfant mineur, une absence de deux ans (sans solde) pourra maintenant être accordée. Cette mesure sera de plus accessible en cas de suicide du conjoint, d’un enfant (peu importe son âge) ou de l’un de ses parents.

    À l’occasion de la naissance, de l’adoption de son enfant ou lorsqu’il y a interruption de la grossesse à compter de la 20e semaine, tout salarié, peu importe son ancienneté, devra être rémunéré pour les deux premières journées d’absence.

  1. Harcèlement
    Les nouvelles dispositions prévoient que le harcèlement sexuel sera désormais spécifiquement mentionné à la LNT comme assimilable à une forme de harcèlement psychologique. Dans cet esprit, tous les employeurs devront adopter une politique de prévention et de traitement des plaintes incluant entre autres un volet concernant les inconduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.De plus, en cas de plainte relative à une inconduite sexuelle, la CNESST pourra, avec le consentement du salarié, transmettre à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, toute plainte qui concerne une conduite discriminatoire déposée conformément à la section relative aux recours en cas de harcèlement psychologique.La loi prévoit aussi que le délai pour déposer une plainte en harcèlement psychologique passe de 90 jours à deux ans.
  1. Responsabilité des administrateurs et dirigeants de sociétéUne nouvelle disposition concernant la responsabilité personnelle des administrateurs et dirigeants des sociétés qui commettent une infraction à la loi a été ajoutée. Ceux-ci pourront être présumés avoir commis l’infraction à moins qu’ils ne soient en mesure de démontrer avoir fait preuve de diligence raisonnable. Il s’agit d’un renversement du fardeau de la preuve.

En conclusion

Tel que mentionné, le projet de loi 176 prévoit des modifications majeures. Certaines entraient en vigueur en date de la sanction, soit le 12 juin dernier, alors que d’autres entreront en vigueur le 1er janvier 2019. En cas d’ambiguïté ou de questionnement à ce sujet, nous vous invitons à communiquer directement avec nous ou un membre de notre équipe.