L'économie de détail moderne ꟷ une vue à 360 degrés - Retail Council of Canada
L’économie de détail moderne ꟷ une vue à 360 degrés

Comprendre comment l’économie circulaire réduit les déchets et maximise la valeur ꟷ et ce que cela signifie pour le détaillant de demain

PAR JESSE DONALSON

Selon une étude menée récemment par l’Arizona State University, l’Américain moyen possède chez lui des biens inutilisés d’une valeur de 7 000 dollars. Et pour les détaillants, explique Mark Lancellot, c’est une véritable occasion.

« Nous fabriquons beaucoup de choses, les utilisons et les jetons », note M. Lancellot, expert en durabilité chez PA Consulting. « Et dans ce cas, seulement environ 5 % de la valeur matérielle d’un objet est récupérée. Ce qui signifie que dans les 95 % qui sont mis au rebut, il existe une énorme occasion de valeur et de productivité. »

En raison de l’expansion continue du commerce électronique, de la concurrence accrue pour la fidélisation de la clientèle et de l’importance croissante accordée à la durabilité, les détaillants d’aujourd’hui font face à une pression sans précédent pour sensibiliser les consommateurs, maximiser leurs profits et réduire leur empreinte environnementale. Arrive l’économie circulaire, un modèle dans lequel les biens de consommation – au lieu d’être simplement vendus – sont offerts en location, loués, recyclés, réparés ou réutilisés pour en maximiser l’utilisation et la valeur.

« Cela a un impact extrêmement positif sur l’efficacité des ressources pour les détaillants », explique M. Lancellot. « Nous essayons de conserver les ressources et les biens pour en tirer le maximum de valeur au fil des ans. Cela peut vouloir dire procéder à la conception de biens durables, à la recherche d’une deuxième ou troisième vie ou à la remise à neuf des produits. Ou même au recyclage en dernier recours, car le recyclage peut détruire la valeur inhérente des produits. C’est une façon pour les chaînes d’approvisionnement et les entreprises de travailler d’une manière différente pour créer plus de valeur pour tout le monde. »

« Notre économie linéaire actuelle fonctionne sur une base prendre/fabriquer/éliminer », ajoute John Atcheson, PDG de l’application de revente de vêtements Stuffstr, « tandis que dans une économie circulaire, tous les produits sont utilisés pleinement puis transformés en nouveaux produits[…] Le système d’économie circulaire fait partie d’une zone grise depuis les années 1960, mais maintenant, les impacts beaucoup plus visibles de problèmes tels que le changement climatique et le gaspillage ont commencé à faire avancer les idées de changement systémique dans l’agenda. »

Lancé en 2014 par John Atcheson et Steve Gutmann, Stuffstr – qui permet aux consommateurs de vendre de vieux vêtements à ses partenaires détaillants en échange de cartes-cadeaux – s’est associé à d’autres marques comme The North Face, H&M et John Lewis & Partners de la Grande-Bretagne. Pour le PDG Atcheson, c’était la suite logique d’une carrière qui était de plus en plus axée sur la durabilité, comportant des séjours au Sightline Institute, et en tant que fondateur du service de partage de voiture entre pairs Getaraound. Et comme il l’explique, en ce qui concerne le commerce de détail, la transition vers une économie circulaire n’est pas seulement bénéfique pour le résultat net, mais également pour le renforcement des relations avec les clients et la protection de l’environnement.

« Pour passer à une économie circulaire, les entreprises doivent considérer de nouveaux modèles permettant d’utiliser les produits maintes et maintes fois », explique M. Atcheson. « Notre vision vise à ce qu’il n’y ait plus aucun produit inutilisé. »

Trucs de pointe

Et, à première vue, la vision de M. Atcheson est conforme à celle de nombreux consommateurs. Selon une étude réalisée par OC&C Consultants, 15 % des répondants de la génération Z ont déclaré être résolus à « réduire la quantité de déchets que je crée », 14 % à « réduire mon empreinte carbone » et 13 % à « réduire l’utilisation de plastique à usage unique ». Selon les statistiques de PA, 72 % des clients du secteur de l’électronique et 66 % des clients de l’industrie du vêtement ont manifesté leur volonté de revendre des produits si un magasin offrait un programme de rachat adéquat. Selon M. Atcheson, le recommerce est en croissance à un rythme  d’environ 21 fois plus élevé que le commerce de détail régulier. Et comme l’a révélé une récente étude de Goldman Sachs : « La génération Y s’est montrée réticente à acheter des articles tels que des voitures, de la musique et des produits de luxe. Au lieu de cela, ils se tournent vers un nouvel ensemble de services qui donnent accès à des produits sans le fardeau de la propriété. »

Et bien que cela puisse marquer un changement de mentalité pour de nombreux détaillants, M. Lancellot n’hésite pas à souligner son potentiel.

« Que ce soit dans les magasins ou en ligne, les gens viennent acheter quelque chose, puis ils sortent et vous dites au revoir », dit-il. « Toutefois, si vous commencez à regarder un modèle plus circulaire – qui pourrait être basé sur des services ou un modèle de type rachat – vous aurez l’occasion d’établir des relations différentes avec les clients, ce qui est précieux pour la plupart des détaillants. L’économie circulaire offre aux détaillants la possibilité de rester en contact avec leurs clients au-delà du point de vente. »

En plus de cela, ajoute-t-il, les analyses économiques parlent d’elles-mêmes; un rapport récent de PA (coécrit par M. Lancellot) estime que les détaillants pourraient potentiellement générer 70 milliards de dollars simplement en réutilisant des biens et du matériel. Ces biens de consommation inutilisés, d’une valeur de 7 000 dollars, représentent environ 875 milliards de dollars qui pourraient être redistribués aux détaillants. Les vêtements en particulier présentent des avantages économiques considérables; au Royaume-Uni, on estime que la collecte d’une tonne de vêtements usagés peut générer un bénéfice de près de 1 300 dollars, une valeur non négligeable selon M. Lancellot si l’on considère qu’environ 80 % des vêtements ne sont pas portés.

« La production et les déchets textiles viennent en deuxième position derrière l’industrie de la construction en ce qui concerne la pollution planétaire », déclare M. Atcheson. « Il est donc essentiel de passer à un modèle plus durable. L’objectif à long terme de Stuffstr est de modifier le comportement des consommateurs en les encourageant à acheter des produits de meilleure qualité qui conservent leur valeur plus longtemps. Cela récompensera les marques et les détaillants qui développent et vendent des produits plus durables. Sur le plan de l’économie circulaire, le système Stuffstr réduit les déchets en prolongeant la durée de vie des produits de manière exponentielle, stoppant ainsi leur acheminement vers les sites d’enfouissement. »

Les occasions abondent

Heureusement, pour les détaillants avisés, il existe d’innombrables occasions pour examiner un modèle d’économie circulaire au cours du cycle de vie d’un produit, notamment le partage/la location, la maintenance/la réparation, la revente et le recyclage. Et de nombreuses grandes entreprises y participent déjà. Plutôt que de détruire les articles invendus, Guess et H&M ont récemment annoncé qu’ils les commercialiseraient sous forme de collections rétro. Depuis 2013, H&M offre à ses clients des bons pour chaque sac de vêtements qu’ils offrent. Amazon teste déjà un programme de rachat dans le cadre duquel les consommateurs peuvent potentiellement revendre leurs produits tout en achetant de nouveaux articles. Dell détourne le plastique qui risquerait autrement d’être jeté dans l’océan pour être utilisé dans le nouveau système d’emballage de son ordinateur portable XPS 13 2-In-1. Apple a été le pionnier du robot Daisy, capable de démonter 200 téléphones iPhone par heure et de recycler les matériaux qu’il contient. Le détaillant de vêtements de plein air REI organise régulièrement des ventes-débarras en magasin de produits retournés pour ses membres, ainsi que des événements sociaux au cours desquels les membres peuvent échanger ou vendre du matériel. IKEA a récemment élargi son programme de location de meubles à plus de 30 marchés. D’autres entreprises, comme Stuffstr, ont intégré cette approche dans leur modèle commercial; Mud Jeans loue des pantalons aux clients sur une base mensuelle et Bundles, aux Pays-Bas, loue des laveuses et des sécheuses. Le revendeur de vêtements de luxe The Real Real s’est fixé pour objectif ambitieux de devenir la première entreprise d’économie circulaire d’un milliard de dollars, un objectif que l’entreprise n’est pas loin d’atteindre. Le mouvement vers un modèle d’économie circulaire est celui préconisé par des organisations à but non lucratif telles que la Ellen MacArthur Foundation, qui cherche à accélérer cette transition par la mise en oeuvre de CE100, un groupe d’organisations avant-gardistes comme Unilever, Philips, Apple, Cisco, Google, Nike, eBay et Ikea.

« On reconnaît la valeur qui dort actuellement », dit M. Lancellot, « étant donné la quantité de produits qui sont créés puis jetés. De plus, les grandes entreprises ont commencé à chercher des moyens de tirer profit de cette mine, qu’il s’agisse de grandes entreprises comme Nike ou d’innovateurs en phase de démarrage, qui cherchent des occasions de créer de la valeur par leurs propres moyens. »

Commencez petit et grandissez rapidement

Pour les détaillants désireux de savoir par où commencer, M. Atcheson et M. Lancellot notent qu’il est important de commencer petit.

« Les détaillants doivent expérimenter », prévient M. Lancellot. « Ils ont besoin d’être au poste de pilotage, de comprendre la situation dans son ensemble et ce que cela pourrait signifier pour vous en tant que détaillant, et de choisir des occasions bien précises pour faire des tests et apprendre. Cela peut possiblement cibler des produits qui pourraient être plus pertinents ou des groupes de clients qu’un détaillant pourrait avoir. Je pense que cela vaut la peine de considérer ces modèles afin de comprendre ce que cela signifie d’un point de vue marketing, ce que cela signifie sur le plan opérationnel et ce que cela signifie en termes de logistique. »

Et, ajoutent-ils, la clé du succès réside dans la flexibilité d’une entreprise; la capacité de l’entreprise non seulement de briser les cloisonnements internes et d’utiliser les nouvelles technologies, mais également de mettre en place des partenariats avec d’autres entreprises aux vues similaires.

« Vous ne pouvez pas le faire tout seul », dit simplement M. Lancellot. « Vous devrez créer des liens. La valeur d’une économie circulaire réside dans la manière dont les entreprises d’une chaîne d’approvisionnement peuvent comprendre le fonctionnement de ces boucles circulaires. Parfois, cela peut vouloir dire travailler avec des partenaires pour tester ces modèles. Grâce à la collaboration, les entreprises peuvent créer beaucoup de valeur nouvelle pour elles-mêmes et avoir plus de succès à long terme. »

« Les partenariats avec les marques et les détaillants sont essentiels au succès de Stuffstr », reconnaît M. Atcheson. « La réaction que nous avons reçue – en particulier des marques et des détaillants qui réagissent déjà de manière proactive à la nécessité de réduire leur empreinte environnementale – a été incroyablement positive. Une grande partie de cette réaction a été provoquée par le changement d’attitude des consommateurs. Les consommateurs veulent de plus en plus vivre de manière responsable et recherchent des détaillants qui partagent leurs valeurs et qui peuvent les aider à jouer un rôle plus important dans la solution. Quel consommateur ne répondrait pas positivement au message selon lequel un détaillant va racheter tout ce que le consommateur lui a acheté dès qu’il ne l’utilisera plus? »

Mais une fois le projet pilote terminé, prévient M. Lancellot, il est important que les détaillants intensifient rapidement leurs efforts. Le langage est également un facteur important à prendre en compte ; par exemple, selon les recherches de PA, la plupart des clients préfèrent des termes tels qu’ « adhésion » à des termes tels que « location ». Cela dit, M. Lancellot est catégorique : en ce qui concerne les détaillants, il est temps d’examiner les avantages de l’économie circulaire.

« De nombreuses entreprises le font », explique-t-il et « il existe des sources d’informations de plus en plus abondantes pour les aider à travers ce processus. Mais nous en sommes encore seulement aux premières étapes de l’adoption. Nous avons encore un long chemin à parcourir. »